Donald Meltzer, 1999, par Meg Harris Williams. Don watching «Singing in the rain»
Membres fondateurs du Gerpen :
La protohistoire
Le Gerpen a été créé à l’initiative de James Gammill.
Au fil des années, il a continué à le soutenir en le faisant connaître à nombre de Psychanalystes et Psychothérapeutes à travers la France.
Le tout début remonte à l’invitation que James Gammill, Jean et Florence Bégoin et Geneviève Haag avaient faite à Donald Meltzer et à sa femme, Martha Harris, de venir faire un séminaire à Paris. Dans une lettre à Didier Houzel, James Gammill rappelle sa démarche auprès des Meltzer pour lancer cette invitation : « J’avais fait le voyage en Angleterre en novembre 1973 pour voir Don et Mattie (diminutifs des prénoms de nos conférenciers : Donald et Martha) et acquérir leur consentement pour venir travailler pour et avec nous. » Il rappelle que la réunion s’était faite chez les Bégoin, le repas chez les Hayward, la traduction des conférenciers par le fils Hayward et la présentation clinique par Jacqueline Tricaud. Cela se passait au tout début de l’année 1974, lors d’un weekend. Il y avait une vingtaine de participants, dont beaucoup appartenaient à un séminaire organisé par Geneviève Haag et dirigé par James Gammill connu sous le nom de « séminaire de la rue de Rennes », lieu où il se tenait.
Le propos de Donald Meltzer a d’emblée frappé l’assemblée par sa nouveauté et sa créativité. On le voyait penser le matériel de psychanalyse qui lui était présenté. On sentait que c’était une pensée qui se déroulait à mesure. La différence était frappante avec le discours psychanalytique officiel de l’époque. Donald Meltzer pensait la psychanalyse à partir de la clinique, adossé certes à la théorie, notamment à la pensée de Melanie Klein, mais libre de sa créativité et libératrice de celle de l’auditoire. Une véritable bouffée d’oxygène.
Meltzer lui-même, avec l’humour qui le caractérisait, a dit, à la fin de ce séminaire, « si vous voulez que je revienne, il vous suffit de me siffler ! » C’est ce qui s’est fait; nous avons décidé de le réinviter.
Le groupe s’est élargi par le bouche à oreille, tout en restant d’ordre privé. Il a fallu louer une salle pour accueillir un auditoire qui allait en grandissant à chaque fois. On s’est réuni dans une salle près des Champs-Elysées, rue de Washington, puis pendant quelques temps dans un amphithéâtre de l’hôpital Bichat. On a loué ensuite une salle avenue Georges V, où nous sommes restés pendant plusieurs années. La salle était très confortable, mais il y avait un inconvénient : le prix.
Les questions financières ont joué un rôle important dans la naissance du Gerpen proprement dit. En effet, pendant toute cette période, que l’on peut qualifier de protohistorique puisque le Gerpen était encore à naître, on avait confié la gestion des finances à l’une des participantes des séminaires, Anik Maufras du Chatellier, qui s’est dévouée pendant des années pour assumer ce rôle de trésorière en gérant, sur un compte privé, les sommes de plus en plus importantes que nécessitait l’organisation de séminaires. Il a donc été décidé de créer une association loi 1901 destinée à organiser ces séminaires avec le couple Meltzer et à gérer les fonds que cela exigeait. La protohistoire s’arrête-là, l’histoire commence.
L’histoire
Pendant l’été 1983, il y eut, à Cannes, le deuxième congrès international de psychiatrie du nourrisson (le premier avait eu lieu deux années auparavant à Estoril, près de Lisbonne). Plusieurs habitués des séminaires Meltzer s’y sont retrouvés dans une atmosphère particulièrement amicale pour dîner dans un restaurant de Théoule-sur-mer : James Gammill, Anik Maufras du Chatellier Geneviève et Michel Haag, Didier Houzel. Au cours du dîner, nous nous sommes dit qu’il fallait fonder une association Loi 1901 et que nous en parlerions aux autres organisateurs en rentrant à Paris. Les statuts ont été déposés en 1984. L’origine officieuse du Gerpen date donc de 1983, son origine officielle de 1984.
À notre regret ni James Gammill, ni Jean Bégoin et Florence Guignard n’ont voulu être membres actifs de l’association. Pourtant, ils ont continué à accompagner les réunions scientifiques du Gerpen, Jean Bégoin et Florence Guignard jusqu’au milieu des années 1990, James Gammill jusqu’à 2015 où il a été élu membre d’honneur. Florence Guignard, outre sa contribution scientifiques a longtemps rempli le rôle difficile de traductrice de nos conférenciers anglophones.
À ses débuts, le Gerpen ne s’est pas donné de président. La gestion se voulait totalement collégiale. Il a fallu cependant choisir un siège social : le choix s’est porté sur Alençon où Louis Edy dirigeait alors un secteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. C’est donc l’hôpital psychiatrique d’Alençon qui a été notre premier siège social. In fine, il a bien fallu structurer un bureau, donc élire un ou une présidente. Ce fut d’abord Louis Edy qui assura cette charge avant de passer le relais à Geneviève Haag ce qui a entraîné le déplacement du siège à Paris. Puis, à nouveau Louis Edy a assumé la fonction de président pour quelques temps. Le Gerpen a ensuite été présidé par Catherine Druon, membre titulaire honoraire de la SPP.
Pendant les années 1980, un séminaire avait lieu trois fois par an avec les Meltzer. Malheureusement, un accident dramatique est venu endeuiller notre petit groupe : au cours de l’été 1984, Donald Meltzer et Martha Harris revenaient en voiture d’Italie en traversant les Alpes. Ils ont été victimes d’un grave accident de voiture dans la région de Briançon. Donald Meltzer a eu des blessures, mais son pronostic vital n’était pas engagé. Par contre, Martha Harris après plusieurs semaines de coma traité au CHU de Grenoble s’est réveillée dans un état d’atteinte neurologique sévère et extrêmement douloureux. Elle est décédée des suites de cet accident en 1986.
Ce drame a diminué les visites de Donald Meltzer à Paris et nous a conduits à faire appel à d’autres conférenciers, tous prestigieux. Nous avons invité Herbert Rosenfeld, Frances Tustin, Irma et Eric Brenman, Joyce Mac Dougall et bien d’autres encore.
Dès avant la création officielle du Gerpen, nous avons introduit l’observation du bébé selon la méthode d’Esther Bick, sous l’impulsion de Martha Harris, qui avait succédé à Esther Bick à la Tavistock Clinic en tant que responsable du département de psychothérapie de l’enfant.
Les weekends n’étaient ouverts qu’aux psychanalystes et aux psychothérapeutes qui en avaient fait la demande. Nous avions établi cette règle car les cas de psychothérapie, leur confidentialité, le travail d’interprétation paraissaient nécessiter une écoute analytique minimale pour ne pas être déformés. Le Gerpen se situait ainsi comme un complément à la formation de base en psychanalyse ou en psychothérapie d’orientation analytique pour l’enfant et l’adolescent.
Dans les années 1990, à l’occasion d’un hommage à Frances Tustin, disparue en 1994, un premier weekend ouvert à tous les professionnels de la santé mentale a été proposé. Depuis, une fois par an, à l’automne le Gerpen organise un weekend « ouvert » consacré à des échanges entre psychanalystes et spécialistes de disciplines connexes (psychologie du développement, neurosciences, anthropologie, etc.) Les deux autres weekends de l’année restent réservés aux psychanalystes et psychothérapeutes.
La présence et la pensée de Donald Meltzer a constitué l’axe principal de nos réunions scientifiques jusqu’à sa disparition en 2004. Elle avait dès l’abord rencontré la préoccupation de plusieurs d’entre nous d’approfondir la compréhension des angoisses les plus précoces et d’appliquer cette compréhension au traitement des enfants du spectre de l’autisme, thème que Meltzer explorait avec le groupe de psychanalystes qui a rédigé avec lui son livre de référence « Explorations dans le monde de l’autisme ». Il nous a semblé que notre rôle essentiel était de faire connaitre au public français les psychanalystes étrangers, qui jouaient un rôle éminent dans le développement de la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent et dont la pensée était souvent peu connue ou mal connue dans notre pays.
Je termine cette brève histoire du Gerpen en soulignant deux contributions majeures. La première est celle de nos traducteurs, le plus souvent de l’anglais au français et vice-versa. Nous devons à David Alcorn, thérapeute familial, parfaitement bilingue puisqu’originaire d’Ecosse et ayant fait sa carrière professionnelle à Caen, de nous avoir donné des traductions d’une clarté et d’une précision remarquables, aussi bien des textes de nos conférenciers que de leurs commentaires oraux. Depuis qu’il a pris sa retraite, il y a quelques années, ces traductions sont, en général, assuré par Ann Lévy, membre de la SPP et actuelle secrétaire scientifique du Gerpen, poste qui a d’abord été occupé par Régine Prat. Ann Lévy est également bilingue, puisqu’américaine d’origine.
La seconde remarque est pour signaler l’existence d’un Compte rendu des weekends scientifiques du Gerpen qui est né dans les années 1980. Il était alors fabriqué à Caen sous la responsabilité d’abord de Louis Edy, puis de Bianca Lechevalier qui les a archivés, ceci jusqu’à la fin de 1991. Les premiers Comptes rendus comprenaient l’ensemble des weekends, conférences, présentations cliniques et commentaires. Depuis quelques années, pour des questions de confidentialité, les cas cliniques ne sont plus édités dans ce Compte rendu, qui paraît une fois par an et qui contient seulement les textes des conférences données au cours de l’année écoulée, ainsi que certaines de tables rondes qui concluent les weekends. C’est Jacques Touzé qui est l’artisan et le responsable de ces Comptes rendus. Ils sont mis en vente lors de chaque weekend, mais sont réservés aux participants des weekends scientifiques.
L’aventure continue. De nouveaux collègues, plus jeunes, sont venus renforcer l’équipe qui préside aux destinées du Gerpen, qui se veut modestement mais résolument une fenêtre ouverte sur le monde extérieur aussi bien entre le monde psychanalytique français et le vaste espace de la pensée psychanalytique étrangère, qu’entre la psychanalyse et les disciplines connexes qui explorent avec leurs méthodes spécifiques l’âme humaine depuis ses tout premiers balbutiements.
Didier Houzel